JCP – TJ de Toulouse – 23 février 2024


Date de la décision : 23/02/2024
Juridiction : Tribunal Judiciaire, JCP de Toulouse
Numéro RG : 24/00026
Catégorie : Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux et de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Indemnités d'occupation
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux et de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Manœuvre
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux et de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Mauvaise foi
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux et de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > S'ajouter dans une procédure - Intervention volontaire
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux et de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Trêve hivernale
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux et de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Voie de fait
Mots clés : dégradation dégradations enfant enfants habitation HLM indemnite indemnités intervention volontaire manoeuvre mauvaise foi public publique trêve hivernale voie de fait


Procédure : procédure d’expulsion au Tribunal Judiciaire

Demandeur / défendeur: défendeurs

Composition des habitant.es : trois familles avec des enfants en bas âge

Propriétaire : public – CDC Habitat social (société HLM)

Date d’assignation : 29 décembre 2023

Nombre de renvoi : 1

Date d’audience devant le JCP : 2 février 2024

Résumé de la décision :

D’abord, il n’y a pas d’urgence à l’expulsion : « l’urgence alléguée n’est pas démontrée puisqu’aucun calendrier de travaux de démolition n’est produit et que seules des interventions sont programmées alors qu’un locataire est toujours dans les lieux. »

La demande d’indemnités d’occupation est rejetée puisque l’immeuble ne devait pas être loué jusqu’à sa démolition.

Surtout, la juge rejette la voie de fait, la manœuvre et la mauvaise foi ! Donc, elle accorde le délais de deux mois après le commandement de quitter les lieux et la trêve hivernale.

« Dans le cas présent, l’enlèvement de tôle de protection ou d’un quelconque dispositif anti-effraction n’est démontré, puisque la situation antérieure de protection de l’immeuble n’est justifiée par aucun élément. Le fait de changer les serrures ne constitue pas une manœuvre pour pénétrer dans les lieux mais pour s’y maintenir ce qui constitue la démonstration de l’occupation des lieux en tant que domicile.

La mauvaise foi ne peut être retenue sans dénaturer le sens de la loi car tous les occupants sans droit ni titres savent qu’ils sont dans l’illégalité, cette disposition ne concerne que les locataires.

Ainsi, aucune voie de fait n’est démontrée pour pénétrer dans les lieux, le fait de changer les serrures ne constitue pas une voie de fait et le commissaire de justice n’a relevé aucune dégradation. »


Et un petit rappel pour la mairie de Toulouse… : « RAPELLE qu’il appartient au maire de Toulouse […] de prendre les dispositions nécessaires pour héberger ou reloger les habitants. »

Dégradations :
Le fait de détériorer de façon volontaire ou non un bien. La peine encourue augmente si le bien est protégé (classé au patrimoine par exemple). 
Entrée par voie de fait :
L'entrée par voie de fait est le fait d'entrer dans un bâtiment de façon illégale. Hormis si la porte était ouverte, quasiment toute autre façon d'entrer peut tomber sous le coup de cette appellation. Lors d'un jugement pour squat, la preuve de la voie de fait est à apporter par le propriétaire. 
Intervention volontaire :
L'intervention volontaire est le fait pour une personne qui jusqu'alors était restée étrangère à un procès en cours, mais qui estime devoir protéger ses intérêts, puisse devenir une partie dans cette procédure. Elle doit alors justifier d'un intérêt à agir. Par exemple, elle s’est installée dans le squat après que la procédure d’expulsion est été lancée et souhaite y apparaître pour se défendre.
Manoeuvre :
La manoeuvre recouvre tous stratagèmes ou éléments de tromperies mis en oeuvre pour favoriser l’introduction illicite (par exemple : se déguiser en employé du gaz, changer les serrures, désactiver une alarme, se faire passer pour une personne habilitée pour pénétrer dans le bâtiment ou tout autre mensonge sur tes intentions). 
Mauvaise foi :
 Le terme n'est pas clairement défini dans la loi mais le juge peut considérer que tu es de mauvaise foi si tu squattes ou si tu ne paye plus ton loyer parce que tu sais que tu es dans une situation illégale . 
Pour certains juges, cette notion s’applique donc à tous les squatteuses : elles connaissent la loi, et la violent en conséquence. Pour d’autres tribunaux, cette notion s’applique si la personne n’est pas en mesure de prouver qu’elle a essayé de se loger d’une autre façon, en faisant une demande de logement social par exemple. 

 Depuis la loi Kasbarian, cette caractérisation permet au juge de se passer du délai de deux mois après avoir reçu un commandement de quitter les lieux.
Trêve hivernale :
La trêve hivernale couvre la période du 1er novembre au 31 mars de l'année suivante. Durant cette période, les expulsions locatives ne peuvent pas avoir lieu. Cette trêve ne s'applique pas aux squatteur.euse.s pour lesquel.le.s la voie de fait a été retenue. 
Tribunal Judiciaire (TJ) :
Pour les procédures civiles et pénales : concerne tous les tribunaux en première instance (premier jugement). [Il regroupe les anciens Tribunaux d'Instance et de Grande Instance].

Au sein du TJ, il existe plusieurs chambres spécialisées (différents spécialisation de tribunaux) :
  • Procédure civile (c'est a dire lorsque le propriétaire du batiment n'en fait pas un usage public) Cela comprend :
    • TRIBUNAL DE PROXIMITE / JUDICIAIRE : en tant que squatteur.euse, tu es généralement confronté au Juge du Contentieux et de la Protection (JCP).
    • JEX(Juge de l'exécution (juge spécialisé au sein du TJ) juridiction particulière à saisir après une décision judiciaire qui a aboutit sur un commandement de quitter les lieux. Il sert à demander des délais dans l'execution de la peine. Dans le cadre du squat c'est ce qui peut nous permettre de gagner des délais avant l'expulsion, en fonction de la situation personnelle des habitant.es (précarité, présence d'enfants inscrits à l'école, maladie, absence de solution de relogements...). Il ne peut pas revenir sur l'expulsion, mais seulement sur le moment de son execution.

  • Procédure pénale
    • TRIBUNAL CORRECTIONNEL : concerne les délits et crimes
    • TRIBUNAL DE POLICE (pour les procédures pénales) : concerne les contraventions jusqu'à 3000 euros (dégradation d'un bien par exemple).
Voie de fait :
En droit civil et en droit administratif, la “voie de fait” désigne un acte illégal portant atteinte aux droits de la personne ou aux libertés fondamentales. Dans notre cas, il s'agit de porter atteinte au droit de propriété qui a été revalorisé par la loi Kasbarian. 
 
Si tu es occupant.e, tu peux être accusé.e par défaut des dégradations qui ont permi de rentrer dans le batiment (c’est l’entrée par voie de fait) même si rien ne prouve que c'est toi qui les a commises : effraction, vitre cassée, changement de serrure...