JCP - Limoges - 29 octobre 2019


Date de la décision : 29/10/2019
Juridiction : Tribunal d'Instance de Limoges
Numéro RG : 19/000967
Catégorie : Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Délais supplémentaires - "Renouvelables"
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Trêve hivernale
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Voie de fait
Mots clés : délai délais de grâce enfant enfants entreprise famille familles habitation MNA relogement trêve hivernale voie de fait voie de fait imputable voie de fait non imputable


Procédure : demande d’expulsion devant le Tribunal d’Instance de Limoges


Composition des habitantes : 90 personnes dont 22 enfants
Demandeurs/défendeurs : défendeurs
Propriétaire : SAS SPEED REHAB

Date d’ouverture : 25 mai 2019
Date d’assignation : 9 août 2019
Nombre de renvoi : 1
Date de l’audience : 11 octobre 2019


Résumé de la décision :
Les lieux (terrain et bâtiments) sont une ancienne usine à gaz polluée destinée à devenir un écoquartier. 90 personnes s’y sont installées après l’expulsion du lieu où ils vivaient.

Le juge casse tous les arguments du propriétaire et sous-entend son hypocrisie. Il ne retient ni l’urgence sanitaire de la pollution, ni l’urgence d’une inadaptation du lieu à l’habitation (les lieux sont aménagés et pas de relogement possible). Il rejette aussi la voie de fait puisqu’il n’y a aucune preuve de son imputabilité aux habitantes et habitants.

Au final, le juge accorde 8 mois et 15 jours de délais supplémentaires (jusqu’au 15 juillet 2020), la trêve hivernale et les deux mois après le commandement de quitter les lieux !!


Extraits :
« Il en résulte que les conditions précaires dans lesquelles vivent les personnes présentes sur le site appellent des mesures nécessaires de relogement. Cependant, il n’apparaît pas, faute de solution de relogement annoncée, que l’expulsion sollicité puisse répondre à cette nécessité »

« Les conditions des articles L 412-3 et 412-4 sont donc réunies puisqu’il est établi que le relogement des défendeurs ne peut avoir lieu dans des conditions normales en raison de la situation administrative irrégulière de la majorité d’entre eux d’origine étrangère et dont les demandes de logements de secours se heurtent à la saturation du dispositif d’aide d’urgence ; que les défendeurs manifestent leur bonne volonté pour entretenir le site qu’ils occupent ; que leurs situations de grande précarité est particulièrement aiguë en présence d’une personne âgée et en mauvaise santé, d’enfants dont deux très jeunes bébés, de problèmes de santé affectant plusieurs des occupants, de familles ayant droit à un logement social qui ne leur a pas été attribué ; qu’ils justifient des démarches entreprises pour se loger, scolariser les enfants, s’intégrer. »

« Les défendeurs ne sont pas actuellement en mesure de se reloger et l’expulsion portera une atteinte majeure à leur droit à la protection de leur domicile, de vivre dans des conditions décentes et sera contraire à l’intérêt supérieure des enfants qui vivent sur le site tant qu’ils ne disposent pas de solutions de relogement.
Ces conséquences humaines sont disproportionnées par rapport au droit de propriété protégé.
Pour que la mesure d’expulsion soit proportionnée au but poursuivi soit la fin du trouble de jouissance subi par le propriétaire du site, il convient, eu égard aux besoins des occupants de leur octroyer des délais pour trouver des solutions de relogement. »
Délai de grâce :
Un délai de grâce est une période définie donnée par une juge afin d'accorder plus de temps à l'occupant du logement en vue de le libérer intégralement. Il est déterminé par l'article 412-3 du Code de procédure civile. 
Ce délai fait suite à la remise du commandement à quitter les lieux. Dans un délai de deux mois, on peut saisir le juge par voie de requête ou d'assignation pour demander un délai supplémentaire, de 1 mois à 1 ans. 
A noter :  la saisine du juge ne suspend pas la procédure d’expulsion.

Entrée par voie de fait :
L'entrée par voie de fait est le fait d'entrer dans un bâtiment de façon illégale. Hormis si la porte était ouverte, quasiment toute autre façon d'entrer peut tomber sous le coup de cette appellation. Lors d'un jugement pour squat, la preuve de la voie de fait est à apporter par le propriétaire. 

Trêve hivernale :
La trêve hivernale couvre la période du 1er novembre au 31 mars de l'année suivante. Durant cette période, les expulsions locatives ne peuvent pas avoir lieu. Cette trêve ne s'applique pas aux squatteur.euse.s pour lesquel.le.s la voie de fait a été retenue.