JCP - Calais – 11 avril 2025


Date de la décision : 11/04/2025
Juridiction : Tribunal de Proximité de Calais
Numéro RG : 25/00189
Catégorie : Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Délais supplémentaires - "Renouvelables"
Procédures d'expulsion > Squat d'habitation > Le propriétaire est une personne morale (public, entreprise, hlm) > Juridictions > Juge des Contentieux de la Protection - JCP / Cour d'Appel - CA > Voie de fait
Mots clĂ©s : dĂ©gradation dĂ©lai dĂ©lais de grĂące trĂȘve hivernale voie de fait


ProcĂ©dure : demande d’expulsion devant le juge des contentieux et de la protection (JCP) au Tribunal de ProximitĂ© (TP) de Calais


Habitantes : 5 personnes assignĂ©es (mais au moins 350 tentes dans l’un des bĂątiments)

demandeur/défendeur : défendeurs

Propriétaire : société


Ouverture du lieu : dĂ©but d’annĂ©e 2024

Constats d’occupation par le commissaire de justice : 28 aoĂ»t et 8 novembre 2024

Date d’assignation : 5 fĂ©vrier 2025

Date de l'audience devant le JCP : 25 mars 2025


Résumé de la décision :

La vente d'un ensemble de bùtiment / hangar / terrain à usage commercial a été finalisée le 9 décembre 2024 par une société, en sachant que le bùtiment était occupé (deux constats du commissaire de justice quelques mois plus tÎt).

Le 9 janvier 2025, le JCP rejette une ordonnance sur requĂȘte demandant une expulsion immĂ©diate : les noms de quelques habitantes Ă©taient connus (pour une explication de l'ordonnance sur requĂȘte tu peux aller sur ce lien)


Voie de fait : 

Pas de preuves que les dĂ©gradations aient Ă©tĂ© faites par les habitantes. Pas de preuves non plus qu’il y ait eu une entrĂ©e par voie de fait puisque le bĂątiment Ă©tait abandonnĂ© depuis longtemps. Le dĂ©lais de deux mois et le sursis hivernal sont conservĂ©s.

« A dĂ©faut pour la XXX d’apporter des preuves de la date et de l’imputabilitĂ© de ces dĂ©gradations aux dĂ©fendeurs, et considĂ©rant le fait que les locaux Ă©taient dĂ©jĂ  abandonnĂ©s depuis une date indĂ©terminĂ©e avant leur occupation, il n’est pas prouvĂ© que les occupants des lieux sont entrĂ©s Ă  l’aide de manƓuvres, voies de fait, menaces ou contraintes. »


La juge accorde 3 mois de délais complémentaires :

La prĂ©fecture prĂ©tend qu’il y a un dispositif d’hĂ©bergement qui est systĂ©matiquement proposĂ© aux personnes expulsĂ©es, et qu’il y a de la place
 Ce qui est contredit notamment par des attestations d’associations : le dispositif est complĂštement saturĂ© et ne peut pas proposer d’hĂ©bergement Ă  350 personnes.

D’autres attestations montrent que les installations Ă©lectriques ont Ă©tĂ© sĂ©curisĂ©es : il n’y a pas de risque pour la vie des habitantes.

MĂȘme si les conditions de vie sur le lieu sont compliquĂ©es, c’est une solution d’hĂ©bergement qui les met en sĂ©curitĂ© :

« S’agissant de la dignitĂ© des personnes rĂ©sidant dans les lieux, il a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© exposĂ© ci-dessus que l’expulsion des dĂ©fendeurs compromet leur droit Ă  une vie privĂ©e et familiale en ce qu’il les prive d’une solution d’hĂ©bergement qui, malgrĂ© sa grande prĂ©caritĂ©, leur permet Ă  ce jour d’ĂȘtre protĂ©gĂ©s des intempĂ©ries ainsi que des expulsions Ă  intervalles de 48 heures, et leur permet d’accĂ©der de façon simplifiĂ©e et centralisĂ©e Ă  des services tels que l’eau potable, les soins et les distributions alimentaires.»


Enfin, le propriĂ©taire a achetĂ© le bĂątiment en sachant qu’il Ă©tait squattĂ©, donc pour lui pas d'urgence Ă  expulser.

« Quant Ă  la XXX, celle-ci a acquis les lieux en connaissant leur occupation illicite, et pour un prix qui tenait nĂ©cessairement compte de cet Ă©tat de fait. Elle ne justifie d’aucun projet pour les lieux ni de la conclusion d’un emprunt. Aucune urgence Ă  rĂ©cupĂ©rer la jouissance des lieux n’est donc Ă©tablie. »

Délai de grùce :
Un dĂ©lai de grĂące est une pĂ©riode dĂ©finie donnĂ©e par une juge afin d'accorder plus de temps Ă  l'occupant du logement en vue de le libĂ©rer intĂ©gralement. Il est dĂ©terminĂ© par l'article 412-3 du Code de procĂ©dure civile. 
Ce dĂ©lai fait suite Ă  la remise du commandement Ă  quitter les lieux. Dans un dĂ©lai de deux mois, on peut saisir le juge par voie de requĂȘte ou d'assignation pour demander un dĂ©lai supplĂ©mentaire, de 1 mois Ă  1 ans. 
A noter :  la saisine du juge ne suspend pas la procĂ©dure d’expulsion.

Entrée par voie de fait :
L'entrĂ©e par voie de fait est le fait d'entrer dans un bĂątiment de façon illĂ©gale. Hormis si la porte Ă©tait ouverte, quasiment toute autre façon d'entrer peut tomber sous le coup de cette appellation. Lors d'un jugement pour squat, la preuve de la voie de fait est Ă  apporter par le propriĂ©taire. 

Huissier/Commissaire de Justice :
Un huissier est un auxilliaire de justice, c’est Ă  dire qu’il n’est pas magistrat mais il fait des missions pour la justice française. Il est chargĂ© de l'exĂ©cution forcĂ©e des dĂ©cisions de justice (par exemple : saisi de bien). Il est habilitĂ© Ă  constater ce qui se passe pour pouvoir lancer des procĂ©dures ou prĂ©venir de leur avancĂ©e. Il reprĂ©sente la justice et ce qu'il dit fait foi. 


Juge des Contentieux de la Protection (JCP) :
Le JCP est le Juge des Contentieux de la Protection. Il siĂšge au tribunal judiciaire ou au tribunal de proximitĂ©, anciennement tribunal d'instance. Il est en charge, entres autres, des affaires d'expulsion. Il statue dans le pĂ©rimĂštre gĂ©ographique qui lui est attribuĂ©. 

TrĂȘve hivernale :
La trĂȘve hivernale couvre la pĂ©riode du 1er novembre au 31 mars de l'annĂ©e suivante. Durant cette pĂ©riode, les expulsions locatives ne peuvent pas avoir lieu. Cette trĂȘve ne s'applique pas aux squatteur.euse.s pour lesquel.le.s la voie de fait a Ă©tĂ© retenue.