Quels sont les cadres d'expulsabilité et d'expulsion ?
Une expulsion peut se produire dans plusieurs cadres différents, légale ou illégale (plus rare).
EXPULSION AUTORISE PAR UN JUGE (c'est-à-dire dans le cas d'une procédure « normale », au tribunal judiciaire ou au tribunal administratif)
Dans le cadre d'une procédure normale, en théorie personne n'est expulsable avant d'avoir reçu un commandement de quitter les lieux.
Après un jugement au tribunal, un.e commissaire de justice passe le déposer. La date à partir du moment où tu es expulsable est indiqué dessus. Si le juge ne t’a pas accordé de délai complémentaire, le commandement de quitter les lieux t’accorde deux mois pour partir (voir ici). Sache que tu n’es pas expusable pendant la trêve hivernal (du 1er novembre au 31 mars de chaque année).
Cependant, si le ou la juge constate la mauvaise foi des habitant-es ou qu'iel considère que les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, iel peut retirer le délai de deux mois. Dans ce cas-là, l'expulsabilité débute immédiatement. Le juge peut également supprimer le bénéfice de la trêve hivernal en cas d’entrée par voie de fait, etc…
Il est cependant parfois possible de négocier un délai en plus directement avec l'huissier (quelques jours ou semaines).
A la fin du délai indiqué où les habitant-es sont censé-es avoir quitté le bâtiment, lea commissaire de justice revient vérifier si iels sont toujours là ou non (cela s’appelle une « tentative d’expulsion », mais c’est déjà arrivé que des expulsions se fassent sans). Si oui, iel fait une demande de recours à la force publique, puis le préfet décide de l'intervention de la police (ce qui arrive quasiment tout le temps). A partir de là, l'expulsion peut avoir lieu n'importe quand dans un délai plus ou moins loin et il devient plus difficile d'avoir des informations.
Cas particulier des ordonnances sur requête
Une ordonnance sur requête a lieu quand lea commissaire de justice déclare n'avoir pas obtenu de vrais noms au moment d'assigner les occupant.es. C'est une décision provisoire rendue non contradictoirement, c'est-à-dire que les occupant.es ne sont pas présent.es ni représenté.es lors du jugement ni même prévenues. Le commissaire de justice te signifiera l’ordonnance sur requête et l'expulsion se déroule comme dans les procédures « normales » ; la seule différence réside dans le fait que les habitant.es n'ont pas pu se défendre lors du procès et que l’ordonnance est produite par le juge dans un délai très court. Un recours est possible mais il n'est pas suspensif. Tu peux aller voir ici pour une explication des documents que tu peux recevoir dans ce cas-là ainsi que le tuto pour demander la rétractation de l’ordonnance – l’annulation.
EXPULSION ADMINISTRATIVE
38 DALO
La préfecture peut poser un arrêté 38 DALO, qui concerne les bâtiments à usage d'habitation. Si c'est le domicile du propriétaire, le délai pour quitter les lieux est de 24h ; sinon les occupant.es sont sommé.es de partir sous 7 jours. Des recours contre un arrêté 38 DALO existent : voir le tuto "survivre à un 38 DALO, un guide en 6 étapes". Tu as aussi des exemples ici : 24h / 7 jours.
L'arrêté doit être affiché sur la devanture du bâtiment, en mairie et en préfecture et normalement notifier aux habitant-es.
Arrêté de péril
Si la mairie ou la préfecture estiment qu'il y a un danger pour les occupant.es (ex : un arrêté de péril (menaces d'effondrement de murs, planchers, gouttières, balcons, toitures, fissures, ...), un arrêté d'insalubrité (dégradations des structures, équipements électriques ou de gaz dangereux, plomb, amiante, ...), des locaux déclarés impropres à l'habitation (caves, sous-sol, ...)), les flics affichent un arrêté sur la porte disant que le bâtiment est expulsable en indiquant le délais dont disposent les habitant-es (l'arrêté peut prendre effet directement et sans délais selon les situations).
EXPULSION / PERQUISITION AVEC LE VOLET PÉNAL DE KASBARIAN
Suite à la promulgation de loi Kasbarian, 2 nouveaux délits ont été créés :
- introduction à l'aide de voie de fait, menace, contrainte ou manœuvre
- maintien après introduction à l'aide de voie de fait, menace, contrainte ou manœuvre
Pour faire cesser ces délits, la police peut réaliser une perquisition dans le cadre de l'enquête de flagrance (8 jours, renouvelable une fois) afin d'interpeller les personnes présentes à l'intérieur et en profitent pour expulser et rendre le bâtiment au propriétaire. À priori, cette situation se produit surtout au début du squat, dans les 8 jours après le passage de la police ou de la plainte de propriétaire, souvent quand l'huissier-e n'est pas encore passé-e.
Depuis la loi Kasbarian, de plus en plus d’expulsion ont lieu grâce à cette procédure. C’est de fait une expulsion illégale car elle n’a pas été autorisé ni par un juge ni par une préfecture. C’est un détournement de la procédure pénal.
Comment se déroule le jour de l'expulsion ?
Il y a plein de manières de se faire expulser : ça dépend de qui squatte, du bâtiment, du rapport de force, des flics et de leurs moyens, ... Dans tous les cas, une expulsion peut avoir lieu entre 6h et 21h, sauf jours fériés ou chômés légalement ; elle a lieu, en général, tôt le matin, mais cela dépend des habitudes de la préfecture dans ta ville.
La police arrive accompagnée d'un huissier et demande aux personnes occupantes de partir. Si elles s'y opposent, les flics forcent les portes pour les expulser. Iels peuvent être plus ou moins nombreuxses : ils peuvent venir à 3 ou 4, mais certaines expulsions mobilisent beaucoup plus d'effectifs avec du matériel pour monter sur le toit ou des drones par exemple. Ils peuvent aussi faire intervenir les pompiers, venir accompagnés de la PAF (Police Aux Frontières) ; ça peut être très violent, il peut y avoir des contrôles d'identité, des interpellations ou des OQTF pour les personnes sans papiers.
L'huissier dresse un procès-verbal d'expulsion (voir ici) : il est censé faire un inventaire des meubles et objets de valeur présents dans la maison et le propriétaire est censé les conserver pendant 2 mois (soit en les déplaçant dans un box ou un local, ou en les laissant sur place) et autoriser les personnes expulsées à venir les chercher (ça peut arriver que l'huissier ne le fasse pas et que rien ne soit conservé).
Avec la nouvelle loi Kasbarian, il peut y avoir une amende de maximum 7500€ si les occupant.es restent après le commandement de quitter les lieux, sauf si iels ont réalisé d'autres démarches (ex : une demande de délais supplémentaires au JEX et que le bâtiment n’appartient pas à un bailleur HLM ou que c’est un propio public (une mairie par exemple)). Cela ne peut pas justifier la mise en garde-à-vue des habitant-es.
Que faire en cas d'expulsion illégale ?
Les squatteur.euses n'obtiennent jamais la réintégration dans leur bâtiment. Au mieux, iels peuvent avoir des indemnités demandées auprès du Juge de l’Exécution (JEX), mais les démarches peuvent prendre beaucoup de temps, donc il faut se demander si ça vaut le coup. Il est aussi possible de porter plainte contre une expulsion illégale. Mais peu de résultat pour l’instant, elles sont souvent classées sans suite. Si tu as d’autres infos ou des trucs qui ont marché, n’hésitez pas à envoyer un message dans les formulaires de contact !