C. Cass. – 17 novembre 2022 - 21-21.911


Date de la décision : 17/11/2022
Juridiction : Cour de Cassation
Numéro RG : 21-21.911
Catégorie : Procédures d'expulsion > Incompétence du tribunal
Mots clés : activité Cour de cassation habitation incompétence


Procédure : Pourvoi en cassation d’un arrêt de la Cour d’Appel de Paris concernant l’incompétence du juge des référés du Tribunal Judiciaire.


Demandeur / Défendeur : Demandeur

Date d’ouverture : été 2022

Date de l'ordonnance du Tribunal Judiciaire de Bobigny : 7 décembre 2022

Arrêt de la Cour d’Appel : 11 mars 2021

Contexte de l’occupation : Occupation pour empêcher la vente de l’immeuble/parcelle à des promoteurs, et d’en faire un lieu « éco-responsable et populaire ». Plusieurs habitant-es sur place.

Propriétaire : EPFIF


Résumé de la décision : La Cour de Cassation rejette le pourvoi. Malgré les différentes attestations de voisins qui affirmaient que plusieurs personnes habitées l’immeuble, la Cour estime qu’il n’y pas assez de constatations matérielles effectives pour prouver une occupation à des fins d’habitations.

C’est une décision qui peut servir à contrario (lorsqu'une décision de justice dit quelque chose - d’autant + celle de la Cour de Cassation, elle est censée nier son contraire). On peut l’utiliser alors qu’elle ne va pas dans notre sens, mais que les motifs avancés par le juge nous sont utiles. 

En l’occurrence, il est possible de l’utiliser si tu veux prouver l’incompétence du juge des référés du Tribunal Judiciaire au profit du JCP classique quand ton squat d’activité est aussi un squat d’habitation (ça te permet de gagner du temps, car le dossier est renvoyé au JCP…).

A l’inverse, tu peux l’utiliser quand le propriétaire estime que ton squat est à usage d’habitation alors qu’il n’y a que des activités, et donc prouver l’incompétence du JCP et renvoyé au juge des référés… (et donc gagner du temps…). Mais garde en tête que les textes de lois accordant des délais légaux ne concernent que "lieu habité par les personnes expulsés".


Sur la compétence du JCP : 

« 5. Il résulte de l'article L. 213-4-3 du code de l'organisation judiciaire notamment que le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre. »


Sur l’absence de constatation matérielle d’occupation d’habitations :

« 6. Ayant retenu, au terme de son appréciation souveraine des éléments de fait contradictoirement débattus, en particulier des attestations produites par les appelants, de la description des locaux, objet de la cession du 6 décembre 2013, désignés comme étant exclusivement à usage autre que l'habitation, de l'absence de constatation matérielle d'occupation à titre d'habitation, dans les procès-verbaux du 15 septembre 2020 de l'huissier de justice, faute d'avoir eu accès aux locaux, de la teneur du tract de l'association « garde la pêche», ainsi que du communiqué du site mursapeche.blog et du commentaire sur le site
Gardelapechemontreuil.wordpress.com, que si l'occupation des lieux dans l'exercice d'une action militante était établie, il n'en résultait pas que ces locaux étaient occupés à titre d'habitation, la cour d'appel en a exactement déduit que l'ordonnance de référés, qui a rejeté l'exception d'incompétence invoquée au profit du juge des contentieux de la protection, devait être confirmée en toutes ses dispositions, y compris en ce qu'elle a renvoyé l'affaire pour plaidoiries au fond devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bobigny. »

Si tu veux prouver l’incompétence du juge des référés, il te faut donc blinder le dossier dans le sens d’une occupation à des fins d’habitations : attestation de voisins + attestation d’association + photo des lieux + noms d’habitations sur la boite aux lettres…
Cour d'Appel (CA) :
La cour d’appel est une juridiction qui permet de demander à ce qu’une affaire soit rejugée. Tu peux faire appel si toi, ou la personne contre qui tu étais en procès, vous n’êtes pas d’accord avec la décision de la juge de première instance. La cour rend un « arrêt », qui peut confirmer ou non la première décision, ou n’en confirmer qu’une partie, c’est qu’elle appelle “réformer”  . Après un arrêt de la cour d’appel, il reste une étape si on est toujours en désaccord (et qu’on peut payer) la cour de cassation. 
La cour d’appel n’est pas compétente pour les affaires administratives, pour cela il faut passer par la cour adminsitrative d’appel. Elle statue uniquement sur les affaires pénales et civiles. 
Il y a actuellement trente-six cours d'appel en France.

Cour de Cassation (Cass.) :
La Cours de Cassation est le dernier recours de l'ordre judiciaire. Il n'existe qu'une cours de cassation, située à Paris. Elle rend des décisions qui s'appliquent ensuite sur tout le territoire, nivelant les différences d'interprétation des lois des différents tribunaux. Elle peut être saisie après un jugement en appel ou en première instance. Elle unifie et contrôle l'interprétation des lois. 
La Cour de cassation est le juge du droit. Elle ne réexamine pas les faits qui sont à l'origine du litige. Sa mission consiste à vérifier que les tribunaux et cours d'appel de l'ordre judiciaire ont correctement appliqué la loi. En d’autres termes, la Cour de cassation ne se prononce pas sur le conflit qui oppose les parties, mais sur la qualité de la décision de justice qui a été rendue. Lorsque la Cour de cassation estime que la règle de droit n’a pas été appliquée de façon adéquate, elle prononce une "cassation": la décision de justice est annulée et l’affaire est renvoyée devant une cour d'appel ou un tribunal pour être rejugée.

Juge des Contentieux de la Protection (JCP) :
Le JCP est le Juge des Contentieux de la Protection. Il siège au tribunal judiciaire ou au tribunal de proximité, anciennement tribunal d'instance. Il est en charge, entres autres, des affaires d'expulsion. Il statue dans le périmètre géographique qui lui est attribué. 

Tribunal Judiciaire (TJ) :
Pour les procédures civiles et pénales : concerne tous les tribunaux en première instance (premier jugement). [Il regroupe les anciens Tribunaux d'Instance et de Grande Instance].

Au sein du TJ, il existe plusieurs chambres spécialisées (différents spécialisation de tribunaux) :
  • Procédure civile (c'est a dire lorsque le propriétaire du batiment n'en fait pas un usage public) Cela comprend :
    • TRIBUNAL DE PROXIMITE / JUDICIAIRE : en tant que squatteur.euse, tu es généralement confronté au Juge du Contentieux et de la Protection (JCP).
    • JEX(Juge de l'exécution (juge spécialisé au sein du TJ) juridiction particulière à saisir après une décision judiciaire qui a aboutit sur un commandement de quitter les lieux. Il sert à demander des délais dans l'execution de la peine. Dans le cadre du squat c'est ce qui peut nous permettre de gagner des délais avant l'expulsion, en fonction de la situation personnelle des habitant.es (précarité, présence d'enfants inscrits à l'école, maladie, absence de solution de relogements...). Il ne peut pas revenir sur l'expulsion, mais seulement sur le moment de son execution.

  • Procédure pénale
    • TRIBUNAL CORRECTIONNEL : concerne les délits et crimes
    • TRIBUNAL DE POLICE (pour les procédures pénales) : concerne les contraventions jusqu'à 3000 euros (dégradation d'un bien par exemple).